Aboubakar Cissé — Un hommage pour refuser la haine et rassembler

Aboubakar Cissé — Un hommage pour refuser la haine et rassembler

Aboubakar Cissé — Un hommage pour refuser la haine et rassembler

Voici le texte que nous aurions aimé lire, le jour de l’hommage rendu devant la mairie de Gentilly :

Mesdames, Messieurs, chers Gentilléens,

Tout d’abord, veuillez excuser l’absence de Benoît Crespin. Qui est en déplacement ce jour et bloqué par le trafic ferroviaire interrompu.

Nous sommes réunis aujourd’hui devant notre mairie, lieu de la République et de fraternité, pour rendre hommage à un jeune homme dont la vie a été brutalement arrachée : Aboubakar Cissé.

À 22 ans, Aboubakar a été assassiné dans un lieu qui aurait dû être un sanctuaire de paix : une mosquée, à La Grand-Combe. À cet instant, il priait. Il priait, simplement. Il vivait sa foi, paisiblement, comme des millions de croyants le font chaque jour dans notre pays.

Nos pensées, nos prières et tout notre soutien vont à sa famille, à ses proches, à ses amis, et à tous ceux qui, aujourd’hui, ressentent ce deuil comme une blessure personnelle. Car cette tragédie n’est pas seulement celle d’une famille ou d’une communauté. Elle nous touche tous. Elle est une atteinte à ce que nous sommes, à ce que nous voulons être : une société fraternelle, libre et respectueuse.

En tant que citoyens, en tant qu’élus, en tant qu’êtres humains, nous ne pouvons pas rester silencieux. Il est de notre devoir d’affirmer haut et fort que nous rejetons toutes les formes de haine, toutes les formes de discrimination, toutes les formes de violence. Qu’elles visent une religion, une origine, une couleur de peau, une orientation sexuelle ou une conviction, ces attaques sont inacceptables. Elles n’ont pas leur place à Gentilly. Elles n’ont pas leur place en France. Elles n’ont pas leur place dans notre société.

Nous condamnons avec la plus grande fermeté ce meurtre et tout ce qu’il incarne. Nous devons collectivement porter une parole claire : il n’y a pas de neutralité possible face à la haine. Être neutre, c’est laisser faire. Être indifférent, c’est être complice. À Gentilly, nous avons choisi notre camp : celui du respect, de la dignité, de la paix.

Dans cette épreuve, nous réaffirmons aussi notre attachement inébranlable à la liberté de culte, qui est une des pierres angulaires de notre République. La spiritualité, qu’elle soit chrétienne, juive, musulmane, bouddhiste ou d’une autre tradition, est une richesse. Elle donne du sens, elle rassemble, elle apaise. Elle a toute sa place dans notre société.

C’est pourquoi nous devons protéger les lieux de culte. Les sécuriser, oui, c’est indispensable à court terme. Mais ne nous y trompons pas : les barrières, les patrouilles, les caméras ne sont pas des réponses de fond. La véritable protection, la seule qui dure, c’est une société fraternelle où chacun est reconnu et respecté.

Et cela commence ici, à Gentilly, entre croyants de toutes confessions, entre non-croyants, entre citoyens d’origines et d’histoires différentes. Notre ville doit être un exemple de fraternité que tant voudraient voir vaciller. Soyons intransigeants sur le respect de la laïcité : elle n’est pas l’effacement du fait religieux, mais au contraire, la garantie que chacun puisse croire ou ne pas croire, sans pression, sans exclusion, en paix.

À tous les croyants de Gentilly, je veux dire : nous sommes à vos côtés. À la communauté musulmane de Gentilly, je veux dire avec force : vous n’êtes pas seuls. Nous sommes solidaires dans cette épreuve, et nous sommes déterminés à faire en sorte que votre foi puisse s’exprimer dignement, dans un lieu pérenne, accessible, adapté.

Nous soutenons pleinement le projet d’une mosquée à Gentilly. Une mosquée construite dans un lieu concerté avec la population, pensée comme un espace de prière, mais aussi de rencontre, de dialogue, d’ouverture. Que cette initiative soit l’illustration même de ce que nous défendons : une ville où les cultes ont leur place, non comme une tolérance passive, mais comme une richesse pleinement assumée. Une ville où l’on vit ensemble, vraiment. Une ville où les cultes rassemblent quand tant d’autres y voient l’occasion d’une division.

Gentilléennes, Gentilléens, nous avons le choix : céder à la peur, ou bâtir ensemble. Choisissons de bâtir. Ensemble, faisons de Gentilly une ville où l’on peut croire et ne pas croire, prier et ne pas prier, mais toujours penser, aimer, débattre, vivre, sans crainte.

Pour Aboubakar. Pour tous ceux que la haine a voulu faire taire. Pour tous ceux qui croient encore que l’humanité, c’est d’abord de se tendre la main.

Je vous remercie.

Bernard Giry
Conseiller municipal Bien Commun pour Gentilly


Au service de Gentilly depuis plus de 15 ans, Benoît Crespin est Conseiller municipal depuis 2014. Président le seul groupe d’opposition au Conseil municipal, il s’emploie (…)